Le crédit d’impôt pour la transition énergétique est un chemin pavé d’embûches. Ses conditions d’octroi, souvent modifiées et rédigées dans un jargon trop technique, sont des pièges pour de nombreux contribuables.
Voici plus de dix ans que, au nom de ses objectifs écologiques, la France mène une politique d’incitation fiscale pour la réalisation de travaux d’économies d’énergie dans les habitations principales. Désigné aujourd’hui sous l’appellation crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite), ce dispositif permet de déduire de son impôt sur le revenu un montant égal à 30 % d’un plafond de dépenses de 8 000 euros pour un célibataire et 16 000 euros pour un couple (hors main-d’oeuvre). Les équipements et les matériaux doivent répondre à des caractéristiques techniques et de performance.
Un mécanisme intéressant qui a su trouver son public. Mais s’il s’est inscrit dans la durée, c’est au prix de nombreuses modifications et d’une complexité laissant plus d’un contribuable pantois… D’ailleurs, la rédaction reçoit régulièrement des courriers de lecteurs redressés par l’administration fiscale dans le cadre d’un Cite ; la diversité des témoignages atteste des difficultés ubuesques de ses conditions d’octroi.
Une liste de produits régulièrement remaniée
De la nature des dépenses à la qualification de l’entrepreneur en passant par les performances énergétiques de l’équipement et les mentions obligatoires sur la facture, le Cite est un « nid à contentieux bourré de pièges, y compris pour le fisc et les artisans », assure sans détour Jean-Pascal Michaud, avocat associé du cabinet Laurant & Michaud, spécialiste du contentieux en droit fiscal.
Première condition à remplir, l’éligibilité de son équipement au Cite, est d’emblée source d’erreurs. Depuis sa création en 2005, la liste des produits et matériaux est régulièrement remaniée. Evolution la plus récente : en 2016, l’introduction dans le champ des dépenses concernées des chaudières à haute performance énergétique en lieu et place des chaudières à condensation (en réalité, ce sont les mêmes technologies, avec des exigences de rendement supplémentaire) et l’exclusion des systèmes de fourniture d’électricité utilisant l’énergie éolienne. Ces changements répétés trompent plus d’un contribuable qui, effectuant des travaux en début d’année, se fient à la liste de l’exercice fiscal précédent.
En cours de discussion à l’Assemblée nationale au moment où nous bouclons cet article, un amendement figurant dans la loi de finances 2017 pourrait élargir l’application du Cite aux chaudières et pompes à chaleur hybrides, qui associent une source d’énergie renouvelable à une autre traditionnelle. Rien n’est donc acté.
La meilleure solution viable pour s’assurer de l’éligibilité de sa chaudière ou de ses matériaux d’isolation est de vérifier directement l’information sur Legifrance.gouv.fr, à l’article 18bis de l’annexe IV du Code général des impôts. Le site est actualisé presque en temps réel.
Pour certains produits, comme les poêles à bois, les critères de performance sont simples à remplir car ils correspondent à l’attribution d’un label (Flamme Verte), mais dans la plupart des cas, ils sont rédigés dans un jargon professionnel qui contraint à se plonger dans une lecture attentive des descriptifs techniques ou à s’appuyer sur les conseils d’un installateur. Là encore, il faudra lire attentivement le Code général des impôts au moment de la réalisation des travaux car ces critères pourraient eux aussi être modifiés avec la loi de finances 2017.
Enfin, histoire de compliquer davantage notre affaire, le législateur a ajouté un ensemble de sous-conditions ou d’exceptions à l’éligibilité. En atteste notre lectrice victime d’une malheureuse exclusion à l’avantage fiscal portant sur les installations géothermiques (Lire son témoignage ci-dessous). En cas de doute sur l’éligibilité de votre équipement au Cite, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un spécialiste de la fiscalité même si, de facto, la prestation grévera une partie du crédit d’impôt.
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Marie H., victime d’une subtile exception
En 2011, Marie H. fait installer à son domicile une pompe à chaleur géothermique eau-eau éligible au crédit d’impôt sur le revenu en faveur des économies d’énergie. En août 2012, le fisc lui demande de justifier l’avantage reporté sur sa déclaration, dont le taux s’élève à l’époque à 36 % du montant total des dépenses engagées, moins la main-d’oeuvre et la mise en service. Une copie de la facture détaillée est envoyée mais « les mentions restent insuffisantes aux yeux de l’administration fiscale et je suis priée de fournir une nouvelle quittance précisant les caractéristiques de performance énergétique de la pompe à chaleur « , raconte Marie H. Elle renvoie un autre justificatif et s’attend à ce que sa situation soit réglée.
C’était sans compter avec les textes relatifs aux pompes à chaleur géothermique eau-eau. Il s’agit de deux annexes d’un Bofip-impôts du 23 août 2010 qui excluent de la base de calcul du crédit d’impôt certains accessoires. En application de ces textes, le fisc a intégré l’équipement, le module hydraulique, l’échangeur de chaleur et le ballon de stockage. Mais il a exclu le kit de régulation, pourtant accepté pour tous les autres systèmes de chauffage ! Une exception qui vaudra à Marie H. un redressement fiscal de 556 euros majoré de 10 % de pénalités de retard, et beaucoup de temps perdu avec les services de Bercy.
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Des entrepreneurs avec label, ou sans, ou entre les deux
L’obligation de faire appel à un artisan titulaire du label RGE (reconnu garant de l’environnement) pour bénéficier du Cite est une autre cause de nombreux redressements fiscaux. Entrée en vigueur en 2015 dans un contexte économique morose, cette condition a incité certains professionnels sans scrupule à apposer le logo RGE sur leur site Internet alors qu’ils n’étaient pas labellisés ou à l’indiquer sur leurs devis alors qu’ils ne l’étaient pas pour la catégorie de travaux concernée.
Ces pratiques illégales, vite dénoncées par les organismes certificateurs, sont aujourd’hui plus rares mais subsistent. En outre, la labellisation est attribuée pour un temps limité. « L’entreprise de travaux doit renouveler sa qualification RGE tous les quatre ans. Il faut donc s’assurer qu’elle ne soit pas dans une situation d’entre-deux au moment où vous faites réaliser votre chantier de rénovation », prévient Sabine Basili, vice-présidente de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) en charge des affaires économiques.
Un seul moyen : « Vérifier en ligne, sur Renovation-info-service.gouv.fr, le site du ministère du Logement et de l’Habitat durable dédié à la transition énergétique, que l’installateur est bien RGE à la date de réalisation des travaux », recommande Thierry Autric, délégué général de Qualit’EnR, organisme de qualification RGE spécialisé dans les énergies renouvelables.
Enfin, selon Jean-Pascal Michaud, « beaucoup de redressements concernent un problème de formalisme dans la facturation des travaux ». On peut ainsi retenir celui, classique, de Stéphanie J. et Daniel A., un couple qui déclarait ses impôts séparément. La déduction fiscale pour l’acquisition d’un poêle à granulés leur a été refusée car le crédit était imputé sur les revenus de la compagne – qui avait payé les travaux – alors que la facture était établie au nom de son compagnon.
En général, le fisc accepte de prendre en compte une nouvelle quittance modifiée, encore faut-il en avoir la possibilité. En l’espèce, le couple n’a pas pu présenter une facture au nom de la compagne car l’entreprise avait été entre-temps mise en liquidation judiciaire. Le Trésor a, par ailleurs, refusé de transférer l’avantage fiscal sur l’impôt du compagnon. Le redressement a donc été maintenu et réglé.
Produit, prestation, prix… n’omettez aucun détail
Gardez-vous de tomber dans cette chausse-trape, en respectant un formalisme scrupuleux. Prenez les devants. Ce n’est pas obligatoire, mais joignez la facture à votre déclaration d’impôt sur le revenu, ce qui permettra de limiter les risques de contrôle ou de redressement. Celle-ci, détaillée et établie au nom du contribuable demandeur du crédit d’impôt, doit faire apparaître le décompte de chaque prestation et produit, leur désignation et leur prix unitaire.
Les services de Bercy demandent, en outre, « que les caractéristiques et les critères de performance énergétique des équipements soient indiqués sur la facture ou sur une notice technique jointe ». Pour éviter toute méprise, reprenez les termes exacts qui sont employés dans l’article 18bis de l’annexe IV du Code général des impôts.
D’autres mentions spécifiques doivent apparaître : l’adresse où les travaux ont été réalisés, la date de la visite préalable (obligatoire) au devis, le libellé RGE, la date du paiement de la somme en principal et des acomptes éventuels… Un inventaire fastidieux, mais qui pourra vous épargner des échanges épistolaires avec le fisc.
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Quels sont les équipements éligibles ?
Le Crédit d’impôt pour la transition énergétique s’applique aux dépenses payées du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2016 pour l’acquisition d’équipements ou matériaux dont vous trouverez la liste exhaustive à l’article 18bis de l’annexe IV du Code général des impôts. Elle pourrait être élargie aux installations hybrides par la loi de finances 2017. Cette liste concerne plusieurs catégories de produits :
– Les matériaux d’isolation des murs, toits et planchers « bas ».
– Les produits d’isolation des fenêtres et des portes-fenêtres, les volets isolants et les portes d’entrée qui donnent sur l’extérieur.
– Les équipements de production de chauffage et d’eau chaude sanitaire utilisant les sources d’énergie suivantes : solaire, aérothermie, hydraulique, bois et autres biomasses ; les chaudières à haute performance énergétique, à microgénération gaz ; les appareils de régulation de chauffage ; les matériaux de calorifugeage ; les éléments de raccordement à un réseau de chaleur.
– Les systèmes de fourniture d’électricité à partir de l’énergie hydraulique ou de biomasse.
– Les diagnostics de performance énergétique.
– Les compteurs individuels de chauffage/eau chaude sanitaire dans les immeubles collectifs.
– Les systèmes de charge pour véhicules électriques.
– Pour les DOM, enfin, trois types d’équipement supplémentaires sont éligibles : les produits de raccordement à un réseau de froid ; les éléments de protection des parois contre les rayonnements solaires ; les ventilateurs de plafond.