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Syndics de copropriété : l’erreur de diagnostic du gouvernement

Pour Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, Edouard Philippe a commis une erreur en pointant du doigt le manque de concurrence dans l’activité des syndics de copros. D’après notre expert, d’autres mesures seraient en revanche salutaires pour améliorer le fonctionnement des gestionnaires de biens.
La scène était singulière : à la faveur du dixième anniversaire de l’Autorité de la concurrence, on a vu le Premier ministre de la France s’abaisser à montrer du doigt trois secteurs d’activités, désignés comme de mauvais exemples de respect des règles de la concurrence, les concessionnaires automobiles, les auto-écoles et, entre tous, les syndics de copropriété. Oui, on peut déjà s’étonner que le Chef du gouvernement, alors que notre pays vit des moments de désarroi historique, en plein Grand débat, attache son attention à des enfreintes vénielles à la règlementation de la concurrence. L’homme a d’évidence une envergure, une stature même, et il est singulier qu’il l’ait oublié.

Qu’aurait-il légitimement dû faire à l’occasion de l’anniversaire de cette institution ? Dresser le bilan de dix ans d’action et démontrer que la concurrence se portait bien en France, notamment grâce à la vigilance publique. Certainement pas désigner d’un doigt accusateur des secteurs d’activité qui, pour importants qu’ils soient pour l’économie, ne sont ni cruciaux ni vitaux. C’est aussi confondre la fête, qui mène à prendre de la hauteur, et le quotidien de l’engagement. Surtout, Édouard Philippe n’a pas traité les trois cibles de la même manière : au moment où il a reproché aux syndics de n’être pas assez souvent mis en concurrence, il a posé ses lunettes au bout de son nez, scrutant l‘assistance et demandant à la cantonade qui y avait récemment changé de gestionnaire de sa copropriété. Cette dérision n’est pas de mise : l’appréciation portée sur l’orthodoxie d’un corps professionnel mérite mieux qu’un simulacre de sondage, qui plus est devant un public acquis. Facilité quand on est à la tribune et somme toute méchanceté gratuite.

Et puis, que les pouvoirs publics sanctionnent donc les syndics qui ne respectent pas la loi, soit parce qu’ils n’utilisent pas le contrat type de la loi du 24 mars 2014, soit parce qu’ils appliquent des tarifications interdites, soit parce qu’il serait démontré qu’ils se soustraient à la mise en concurrence en fin de contrat ! Aucun état d’âme, ni aucune gloire à en tirer. Cela dit, au nom de quoi prétendre, comme l’a fait le Premier ministre, que les copropriétés inclinent leurs copropriétés clientes à voter la dispense de mise en concurrence ? Les copropriétaires qui choisissent de ne pas se défaire de leur syndic en sont peut-être seulement satisfaits…

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Trois mesures à prendre, qui valent mieux que les humeurs et les railleries envers une profession, assez difficile pour qu’on la respecte et assez utile pour que le législateur l’aide à être plus vertueuse : la discipline, la transparence et la liberté entrepreneuriale.

Sur la discipline, Monsieur Philippe ignore sans doute, justement parce que ces détails ne sont pas de son niveau, que le gouvernement a abrogé la disposition de l’ALUR, confirmée et renforcée par la loi Égalité et citoyenneté, qui créait une authentique commission de discipline. Elle eût d’ailleurs concerné non seulement les syndics, mais aussi les gestionnaires locatifs et les agents immobiliers. Elle avait pouvoir de sanction, du blâme à l’interdiction d’exercer. L’ELAN, sur proposition de la FNAIM, a simplement maintenu un pouvoir d’alerte par le Conseil national de la transaction et de la gestion, de la direction de la concurrence. Autant dire pas grand chose. La profession avait là une chance historique de balayer devant sa porte, que l’État lui a reprise. Cécile Duflot avait sur ce sujet fait œuvre utile, Emmanuelle Cosse à sa suite avait amélioré la copie, instaurant une cotisation acquittée par les professionnels pour doter d’un budget cette instance de contrôle et de sanction. Monsieur Mézard a mis à bas ce travail d’un trait de plume. On ne sait si Julien Denormandie, alors seulement secrétaire d’État auprès de lui, était d’accord… On saurait se réjouir quoi qu’il en soit qu’il ait changé d’avis en changeant de fonction.

Il faut ensuite probablement mieux informer le public de ses droits, dont celui de mettre en concurrence. Soit, mais que le Premier ministre ne vienne pas dire que les syndicats de copropriété sont sous informés de façon structurelle. C’est faux : la presse spécialisée veille, les associations de consommateurs font leur travail avec efficacité, comme les ADIL (associations publiques d’information sur le logement). Admettons qu’on puisse progresser encore.

Enfin, hors de question de rendre la mise en concurrence obligatoire du syndic au terme de son contrat, sans nuance et de façon systématique. Monsieur Philippe devrait regarder de près la temporalité de la copropriété, qu’aucun oukase de Matignon ne pourra brusquer : préparer, obtenir et réaliser une décision de travaux lourds de rénovation énergétique prend cinq ans, pas cinq mois, ni deux ans. L’agitation contractuelle n’est pas bienvenue au sein des immeubles collectifs et elle est l’une des causes du retard fâcheux de la copropriété française en matière de développement durable, que constate le Plan Bâtiment Durable – qui fête également ses dix ans, comme l’autorité de la concurrence -. Les syndics ont besoin au côté des copropriétés du temps de l’action responsable.

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Il faut se garder, quand on est au pouvoir, de faire des moulins avec les bras. La tête froide, il faut observer sans a priori et donner les moyens à une profession de se discipliner, plutôt que de la priver des moyens de l’ordre, pour soutenir ensuite qu’elle ne fait pas le nécessaire.

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