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Politique du logement : ce qu’en pensent les Français

Durant les trois jours du Salon de l’immobilier qui se tenait ce week-end à Paris, Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers, a pris le pouls des Français.

Intéressant de regarder ce qui se passe lors d’un salon immobilier tel le Salon national de l’immobilier, qui s’est tenu ces trois derniers jours au Carrousel du Louvre à Paris. On pourrait penser qu’un salon physique ne sert plus à rien à l’heure de l’Internet, que l’information se glane sur la toile, qu’on y fait son marché et qu’on économise désormais cette journée à déambuler de stand en stand, dans la foule, après avoir fait une demie heure ou une heure de trajet. Eh bien pas du tout : quelque dix mille personnes ce week-end ont pensé différemment. Pourquoi ? Des fous ? Des arriérés ? Des gens diverses en tout cas, des jeunes aux plus âgés, et probablement parmi eux des utilisateurs immodérés des applications digitales, mais ils étaient là. 

Deux raisons à cela, une bonne et une mauvaise. La bonne ressortit aux enjeux du logement : ils sont tels qu’on a besoin d’être face à la femme ou à l’homme qui incarne l’enseigne commerciale qu’on a choisie. Bien sûr, l’Internet a permis de préparer l’acte d’achat, qu’il s’agisse de la résidence principale, du bien d’investissement, de la résidence secondaire ou encore du portefeuille de pierre-papier. Il n’empêche qu’on veut à la fin fonder sa confiance et que cela ne saurait se faire que « corps présent » pour parler comme les magistrats. Les rencontres sur les salons immobiliers, avec un promoteur, un agent immobilier, un courtier, un banquier, un conseil en gestion de patrimoine, sont plus qualifiées que jamais : les ménages s’informent en amont de leur projet et viennent échanger avec un professionnel alors que leur réflexion est mûre. En clair, la valeur ajoutée des professionnels de service au logement est majorée par l’Internet et il leur est demandée le conseil, au-delà de l’acte de vente. Une bonne nouvelle aussi pour celles et ceux qui veulent entrer dans ces métiers : leurs clients et leurs prospects attendront d’eux beaucoup plus que naguère ou jadis, les regardant bien plus comme des gestionnaires en patrimoine que comme des apporteurs de solutions ponctuelles. 

Les visiteurs du Salon de l’immobilier de Paris n’avaient pas que cette raison noble de se rendre au Carrousel du Louvre : ils sont également venus chercher de la réassurance et de l’apaisement, perdus dans un tourbillon d’informations confuses et contradictoires de la part du président de la République et du gouvernement. Quel avenir pour le dispositif Pinel tourné vers les investisseurs ? Comment sera recalibré le prêt à taux zéro ? Quel avenir pour les aides personnelles, notamment l’APL accession ? Quel accompagnement des efforts de mise aux normes énergétiques ? Quel périmètre de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) ? Lorsqu’en toute transparence les experts intervenant avisent les familles que rien n’est encore écrit puisque la loi de finances est loin d’être votée, le désarroi est à son comble : si au moins les annonces étaient cohérentes, sans palinodies, il resterait bien sûr l’incertitude du vote par les assemblées parlementaires, mais l’hypothèque serait moindre. Là, les Français ne savent à quel saint se vouer. On lance des messages de grande austérité budgétaire, sur lequel on revient dès que les organisations professionnelles anticipent des conséquences fâcheuses sur l’économie et sur les projets des ménages. Sans compter que les voix titrées sont multiples, du secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires jusqu’au Chef de l’État en passant par le Premier ministre et le ministre en charge du Logement ou encore ceux de l’Economie et de l’Action et des comptes publics, ou même le porte-parole du gouvernement. 

Inconséquence encore quand des mots, jetés un jour, témoignent d’un désamour pour le logement, « rente », « effet d’aubaine » par exemple, bientôt suivis de déclarations d’estime face aux corps intermédiaires, ou d’engagement de réflexion sereine avant toute réforme. Au demeurant, les professionnels eux-mêmes ont bien du mal à dessiner leur stratégie dans ce contexte mouvant, alors qu’ils travaillent sur des cycles longs : comment voulez-vous qu’un promoteur par exemple prenne le risque d’acquérir des terrains, de déposer des demandes permis de construire sans savoir comment ses prospects et clients seront financièrement soutenus par l’État ni si l’équilibre de leurs projets ne sera pas compromis par les modifications du paysage règlementaire ? 

Le problème est que le logement, fondé sur des choix et des stratégies individuels lourds de conséquences, exigeant la visibilité et la confiance, s’accommode mal des thrillers politiques. L’agitation sied mal à l’immobilier. Certes, tout porte à croire que les Français vont forcer l’allure en cette fin d’année pour profiter du cadres financier et fiscal en vigueur jusqu’au 31 décembre, avant que ne s’applique la loi de finances pour 2018. Le dernier trimestre promet d’être d’une rare activité. C’est le suivant, au début de l’année prochaine, qui pourrait bien marquer une inflexion et révéler que les ménages digèrent difficilement le changement de cadre et de règles du jeu. Déjà leur faudra-t-il assimiler les nouveaux dispositifs, avant même de les trouver favorables ou de les désavouer, ou plutôt avant de constater qu’ils ne les solvabilisent pas assez pour leur autoriser telles opérations d’achat ou de travaux.

Il est urgent que le marketing politique de la décision publique pour le logement soit davantage empreint de calme et de modération. Les Français savent que le logement mérite des évolutions de fond, mais ils ne veulent pas d’épée de Damoclès. Le supplice de la goutte d’eau est assassin pour le marché immobilier et ses acteurs, familles et entreprises à leur service. Nul doute que nos gouvernants n’ont pas voulu affecter ainsi le moral des ménages et des entrepreneurs… Il reste qu’ils le font et qu’un dialogue nourri avec les corps intermédiaires, organisations professionnelles, collectivités locales et associations en amont des arbitrages leur ferait éviter cet écueil.

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