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Le coliving, véritable innovation ou plan marketing ?

Le «coliving» s’installe en Ile-de-France. Le promoteur HPC va ouvrir à la rentrée une résidence d’un millier de logements à Massy-Palaiseau, en banlieue parisienne, avec un espace de plus de 3.000 mètres carrés. De multiples services sont prévus pour les habitants: salles de sport, espaces de restauration, salle de musique, écran de cinéma…Plus de la moitié des logements se résume à un studio de 18 mètres carrés pour quelque 700 euros de loyer, même si le projet, qui coûte plusieurs dizaines de millions d’euros, va du dortoir aux appartements de plusieurs pièces.

Résultat du «croisement entre le coût du logement et la solitude dans les grandes villes» selon les termes de M. Charret, le «coliving» est de plus en plus présent dans la communication des promoteurs français. Certains, comme Kaufman & Broad, le citent parmi les «nouveaux produits» à s’approprier et, comme Bouygues, diffusent des offres centrées sur cette nouvelle spécialité. Le concept s’inspire du «coworking», avec l’espoir de répliquer le succès de ces bureaux partagés et modulables qui ont vu leurs espaces presque doubler depuis deux ans en France. «La tendance du coliving, c’est de réduire les espaces privés – dans le modèle anglo-saxon, on descend jusqu’à 12, 13 mètres carrés – et redonner le reste à des espaces partagés», explique Jacques-Edouard Charret, à la tête d’un projet chez le promoteur HPC.

Comme son modèle, le «coliving» prend exemple sur des initiatives apparues aux États-Unis. L’acteur le plus emblématique du coworking, Wework, n’a d’ailleurs pas manqué d’explorer ce nouveau terrain via des lieux baptisés «Welive», à et New York. En France, les réalisations concrètes sont «embryonnaires», relativise Maxime Lanquetuit, directeur de l’innovation du promoteur Altarea Cogedim. «On en parle beaucoup, on commence à voir des acteurs aujourd’hui, mais on ne parle que de quelques cas», explique-t-il. «En Europe, il y a 130 espaces de coliving, dont seulement une trentaine en France.»

Les espaces de coliving en France
Parmi les projets déjà sortis de terre, la Babel Community du promoteur Axis a été pionnière en 2017 à Marseille. Autre concept innovant hybride: le Ludylab, premier living lab rural de France qui propose un mélange entre apprentissage des nouvelles technologies, avec réalité virtuelle ou drones d’intérieur, et rencontre entre les entrepreneurs de demain grâce à un espace de coworking et surtout de coliving en devenir.

Cet espace de 4500 mètres carrés situé en Vendée a été inauguré en mars dernier par la famille Mousset: représentée par Jean-Michel, Pascale et Claire ainsi que François Routhiau entrepreneur dans l’âme. À l’époque, Jean-Michel Mousset ne cachait d’ailleurs pas sa volonté de développer fortement l’espace de coliving, outil indispensable et complémentaire d’un espace de coworking qui accueille déjà de nombreux entrepreneurs ou divers séminaires d’entreprise. Il nous livrait alors sa vision des choses «Un espace de coliving doit être un lieu de détente essentiel pour les personnes qui viennent dans notre espace de coworking, généralement de loin car nous sommes dans une zone rurale. Cela leur évite de faire des déplacements inutiles.».

Marketing ou innovation?
Parmi les autres acteurs, Icade promet notamment une résidence à Toulouse d’ici à 2021 et Vinci assure déjà faire du «coliving» avec des résidences étudiantes à Nice ou Bordeaux. Dans certains cas, il est bien difficile de faire la différence entre des résidences classiques et une tendance innovante. Les acteurs s’accordent à tracer une ligne de démarcation: la taille. «Quand vous entendez les gens parler de coliving en France, c’est du reconditionnement de petits espaces», tacle M. Charret. «Tout le modèle est basé sur la taille. S’il n’y avait pas cette masse de résidents, on ne pourrait pas offrir ce niveau de services intégrés dans le loyer.»

Une fois prise en compte cette considération, le «coliving» revient-il à une résidence services à grande échelle? Certains observateurs peinent à y voir une rupture. «On est en train de réinventer quelque chose qui a déjà existé: c’est plus ou moins les phalanstères», estime l’historien de l’architecture Alexis Markovics. Ces lieux de vie ont dépassé au XIXe siècle le stade d’utopie pour connaître quelques rares réalisations concrètes, comme le familistère de Guise dans l’Aisne.

M. Markovics en dresse une description qui rappelle les actuels espaces de «coliving». «La taille des logements était réduite avec un privilège accordé à l’espace partagé: la grande cour vitrée avec ses coursives, c’est le lieu de rencontre et de sociabilité» explique-t-il. En fin de compte, les acteurs du secteur et les observateurs s’accordent sur un point: les manières d’habiter changent, les couples, notamment, se séparent de plus en plus facilement, le désir de cohabitation s’accentue et le «coliving» apparaît comme une réponse parmi d’autres. «C’est un concept banal», conclut de son côté la sociologue de l’habitat Monique Eleb. «C’est une invention de marketing, une sorte de mode, de manière de rafraîchir un phénomène existant, qui est la multiplication des cohabitations aujourd’hui.»

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