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Copropriété, taxe d’habitation, location… les travaux d’Hercule du gouvernement et du parlement

Entre les arbitrages fiscaux à opérer pour compenser la fin de la taxe d’habitation et la mise en oeuvre de la loi ELAN, l’exécutif et les députés auront une rentrée chargée. Notre chroniqueur Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services immobiliers, espère que l’effort en faveur du logement ne faiblira pas.
Alors que va s’ouvrir le G7 à Biarritz, on peut se demander si les autres grandes puissances du monde sont aussi avancées que nous en matière de politique du logement. Au passage on notera que nous sommes bien démunis quant à la connaissance des politiques publiques des pays développés comme le nôtre, ce qui est regrettable. Il serait salutaire que les cellules de droit comparé de l’Assemblée Nationale et du Sénat trouvent les moyens d’études thématiques de nature à éclairer la réflexion. Et il est probable que nous n’aurons pas à rougir de ce qui est fait chez nous depuis des décennies, avec un bon équilibre entre les réponses logement, du locatif social à l’accession libre en passant par l’accession sociale et le locatif privé. Pas à rougir non plus de la qualité de notre patrimoine, régénéré par l’apport de constructions neuves à des standards élevés. Pas à rougir non plus du niveau des services et de la sécurité apportés par le corps professionnel. Enfin, nous menons des combats engagés pour loger les sans abris et les plus démunis: l’âme de l’Abbé Pierre est à l’œuvre, même si le mal n’est toujours pas résorbé.

Pourtant, il reste beaucoup à faire. D’abord parce que le satisfecit qui précède vaut globalement, mais que dans le détail bien des problèmes anciens ne sont pas résolus et que des problèmes nouveaux sont apparus. Ensuite parce que des solutions qu’on croyait de bonne foi définitive sont venues déséquilibrer l’édifice: c’est ainsi que la baisse vertigineuse des taux d’intérêt, couplée à l’élan de métropolisation, a fait exploser le prix du foncier en zone tendue et celui des logements existants et neufs. C’est ainsi que les normes, gages d’exigence, ont alimenté l’inflation des coûts de production. C’est ainsi que la dégradation des relations entre l’État et les collectivités locales ou encore la pression de l’opinion, paradoxale, ralentissent la délivrance des permis de construire et la nécessaire densification. La liste des dysfonctionnements, qui pouvaient être naguère des fonctionnements vertueux, n’est pas exhaustive. Dans le champs de la lutte contre le mal logement, des pathologies nouvelles se sont également fait jour: les marchands de sommeil prospèrent au gré de la paupérisation des individus par rapport aux augmentations dans les grandes villes, comme se développent l’insalubrité et l’indécence.

Le moins que l’on doive accorder à ce gouvernement est de ne pas laisser le chantier du logement en jachère. Il faut ajouter que les sujets identifiés sont les bons. La question de savoir si les voies empruntées sont bien choisies est différente et on reconnaîtra que seuls ce qui ne font rien ne courent pas le risque de se tromper. Et encore: ils ont tort de ne rien faire quand les difficultés s’amoncellent pour les ménages et qu’il est urgent d’agir. La rentrée, que les cabinets et les parlementaires les plus offensifs sur le logement préparent dès ce mois d’août, va être d’une exceptionnelle densité. Revue.

La loi ELAN du 23 novembre 2018 engendre deux sortes de commandes, que l’exécutif doit honorer dans un délai décent. Ce sont d’abord les ordonnances pour lesquelles le parlement a habilité le gouvernement. Pour la seule réforme de la copropriété, deux textes sont attendus, le premier pour novembre prochain, qui modernisera la gouvernance des immeubles collectifs, le second, prévu pour novembre 2020 au plus tard, codifiera le droit de la copropriété. C’est aussi par ordonnance, c’est-à-dire sans repasser devant la représentation nationale, que les normes de construction seront simplifiées et allégées. L’exécutif s’est également engagé à actualiser la liste des charges récupérables. Un rapport a été commandé à un inspecteur général de l’administration du logement. La partie n’est pas gagnée: la loi impose que toute modification du décret sur les charges imputables au locataire fasse l’objet d’un avis de la commission nationale de concertation, qui est paritaire: trois collèges y cohabitent, celui des locataires, celui des bailleurs et celui des gestionnaires mandataires. Quand bien même la concertation échouerait-elle, ce qui fut le cas trois fois au cours des vingt dernières années, le ministre pourrait passer en force.

A ces dossiers, il faut ajouter les suites des rapports parlementaires rendus par Mickaël Nogal, tendant à améliorer le marché de la location résidentielle et la gestion des biens locatifs des propriétaires privés. On sait qu’une proposition de loi sera déposée à l’Assemblée Nationale à la rentrée, pour être sans doute votée au premier semestre 2020. Quant aux conséquences du rapport confié à Jean-Luc Lagleize, également député de Haute-Garonne, sur la cherté du foncier, il ne restera pas non plus lettre morte eu égard aux enjeux dont il est porteur. On en attend beaucoup, avec des propositions de réforme audacieuses, qui pourraient bien s’attaquer à des tabous du droit administratif ou du droit fiscal…

Et puis bien sûr, on entre en période budgétaire et le moins qu’on puisse dire est que le défi pour l’exécutif est de taille: fiscalité verte, aides à la personne, prêt à taux zéro et dispositif Pinel, l’équilibre de l’immobilier tient pour partie à l’accompagnement public des ménages. Quand à la fiscalité locale, avec en ligne de mire les conséquences explosives de la révision programmée des bases cadastrales et le financement de la suppression de la taxe d’habitation, une bagatelle de 24 milliards d’euros, elle nous réserve quelques savoureux débats et peut-être de lourdes déconvenues. On voit déjà venir la hausse de la taxe foncière et des droits de mutation à titre onéreux.

On peut parler de travaux d’Hercule. Le Président Macron n’est pas homme à ouvrir les dossiers en vain. L’élan réformiste est là. Il faut juste espérer que des épisodes de heurt avec la rue sortira une méthode respectueuse des parties prenantes du logement. La brutalité est dangereuse. Pour l’instant masquée par un marché actif grâce aux taux bas et à une ambiance économique générale, la méthode des deux premières années de gouvernement a conduit à une baisse générale de 10% des constructions, supérieure encore pour les HLM et les maisons individuelles. On pourrait aussi déplorer l’augmentation du taux d’effort des ménages modestes et leur quasi disparition de la primo accession en zone urbaine.

Bref, une année de politique passionnante va commencer. Souhaitons qu’elle fasse de la France un pays du G7 exemplaire pour la modernité de son action publique en faveur du logement.

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